La violence qui touche les immigrants d’autres pays africains en Afrique du Sud est répétée et est considérée comme l’un des « legs maudits » du régime d’apartheid.
Par Rodrigo Borges Delfim à São Paulo (SP)
Depuis la fin du mois d’août, l’Afrique du Sud est le théâtre d’une série de violences contre des établissements d’immigrants, suscitant des réactions tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Les incidents se sont concentrés sur Johannesburg (capitale commerciale et plus grande ville), Pretoria (la capitale administrative), toutes deux dans la province de Gauteng. Les crimes vont de l’incendie et du pillage de magasins d’immigrants au meurtre.
Une dizaine de personnes de différentes nationalités – non divulguées par le gouvernement – sont décédées depuis lors et 420 autres personnes ont été arrêtées.
Selon des agences internationales, des centaines d’immigrants — provenant de pays tels que le Mozambique, la République démocratique du Congo, la Zambie, le Zimbabwe, le Nigeria, entre autres — ont cherché refuge dans les églises, les mosquées et les commissariats de police.
Bien qu’elle porte le surnom de « nation arc-en-ciel » en raison de sa diversité ethnique et culturelle, en plus d’accueillir l’une des éditions du Forum social mondial sur la migration (Johannesburg, 2014, accompagné de MigraWorld), l’Afrique du Sud recueille des manifestations de xénophobie.
En 2015, quelques mois après le Forum, la ville de Durban a été le théâtre principal d’une série d’attaques qui ont fait six morts et déplacé au moins 5 000 personnes.
En 2008, année de la pire vague d’attaques, 60 personnes ont été tuées dans le canton d’Alexandra, à la périphérie de Johannesburg. À titre de comparaison, entre 2000 et 2008, il y avait eu 67 records. Barracos, des établissements commerciaux d’immigrants ont été attaqués et dépravés.
Cette année seulement, selon le portail Xenowatch, qui surveille les cas de xénophobie dans le pays, il y a eu 40 cas – la moyenne annuelle se situe entre 50 et 60.
Des experts entendus par le journal Folha de S.Paulo a souligné la xénophobie sud-africaine en raison d’un certain nombre de facteurs : le pays est le pays le plus inégal au monde, selon le World Inequality Report ; un taux de chômage élevé, qui se situe dans la fourchette de 28 % et qui est proche de 50 % en moyenne si l’on considère uniquement la population noire ; et le héritage de l’apartheid, qui a laissé un racisme structurel qui se retourne contre les Noirs d’autres pays africains.
« Aucune forme de colère, de frustration ou de lamentation ne peut justifier ces actes de destruction et ces crimes arbitraires. Il n’y a aucune excuse pour des attaques contre les maisons et les entreprises étrangères, tout comme il ne peut y avoir d’excuse pour la xénophobie ou toute forme d’intolérance », a déclaré le président sud-africain Cyril Ramaphosa.
Le discours anti-immigration est toutefois exploité par les politiciens sud-africains dans leurs campagnes électorales, dont le président lui-même et le maire de Johannesburg, Herman Mashaba.
Réactions
La violence contre les immigrés – et la réaction timide du gouvernement sud-africain – suscite déjà des réactions dans d’autres pays du continent, dans différents domaines tels que l’économie, les relations internationales et même dans le sport.
Le Nigeria, qui connaît déjà un moment de tensions avec le gouvernement sud-africain, a boycotté la semaine dernière un forum économique qui s’est tenu au Cap.
Les équipes de football de Zambie et de Madagascar ont annulé les matchs amicaux prévus avec les Sud-Africains. La compagnie aérienne Air Tanzania a décidé de suspendre temporairement ses vols vers le pays.
La chanteuse nigériane Tiwa Savage a également décidé d’annuler un spectacle qu’elle avait prévu pour le 21 à Johannesburg en répudiation de la vague de violence.
Je refuse de regarder les massacres barbares de mon peuple en Afrique du Sud. C’est MALADE. C’est pour cette raison que je ne me produirai PAS au prochain festival DSTV Delicious à Johannesburg le 21 septembre. Mes prières vont à toutes les victimes et à toutes les familles touchées par cette situation.
Retours forcés– Tiwa Savage (@TiwaSavage) 4 septembre 2019
Face à la nouvelle vague de xénophobie, les migrants vivant en Afrique du Sud ont préféré quitter le pays.
Selon RFI (Radio France International), le gouvernement nigérian devrait promouvoir le rapatriement de 600 citoyens vivant actuellement en Afrique du Sud cette semaine.
Le même mouvement, toujours selon le RFI, a été réalisé cette semaine par 397 citoyens du Mozambique – les Mozambicains étaient l’une des plus grandes communautés de migrants d’Afrique du Sud, estimée à 2 millions de personnes.
Avec des informations de Deutsche Welle, Folha, O Globo Refi